Le couperet est tombé :le 5 novembre, à l’occasion d’un Comité social et économique (CSE), le groupe Auchan a présenté un plan de réduction drastique de ses coûts. Au total, 2 389 postes seront donc supprimés, soit plus de 7 % de ses effectifs français… Les explications de Bruno Delaye, DS Retail Auchan.
Vous attendiez vous à un tel projet de plan social ?
Avec l’arrivée de Guillaume Darrasse au printemps dernier comme Directeur Général Délégué d’Auchan Retail, rien ne laissait entrevoir qu’il appuie sur le bouton d’une aussi vaste réorganisation et restructuration. Et pourtant… Le plan de redressement annoncé le 5 novembre par le groupe concerne tout d’abord la fusion de nos services d’appui en France et à l’international, à savoir ARI (Auchan Retail International),
OIA (Organisation Inter-groupe des Achats) et ARS (Auchan Retail Services), activités du siège d’Auchan France. On va donc rapprocher ces entités en constituant de nouvelles directions sur une seule entité organisationnelle, c’est un retour en arrière de presque
dix années qui marque la fin du développement international. Au total, ce sont 784 suppressions d’emploi sur l’ensemble de ces
périmètres de services d’appui.
Cette annonce représente véritablement un premier cataclysme ?
Absolument ! C’est une énorme surprise, quand bien même on pouvait entendre l’ambition de Guillaume Darrasse à réorganiser et alléger les coûts de structures devenues inappropriées et trop lourdes par rapport à l’activité d’Auchan qui régresse depuis des années. Dans cette affaire, les maître mots sont économies et mutualisation. Ainsi, depuis le mois de juillet 2024, l’IT (information technology qui englobe
le monde des technologies) et la data (les données) s’inscrivent déjà dans un projet de mutualisation qui s’est fait sans douleur pour l’emploi. Néanmoins, cette opération a soulevé une inquiétude plus large car si elle est réalisée sur une activité spécifique, cela pourrait ouvrir la voie à une mutualisation progressive des autres fonctions au sein de l’organisation. Sur ces entrefaites, une super alliance est née, en septembre 2024, avec Intermarché et Casino, pour centraliser les achats alimentaires et non-alimentaires. Cette organisation nommée Aura Retail, est
organisée en 5 entités distinctes, dont deux basées hors de France. L’objectif avancé par Auchan est de négocier les meilleures conditions tarifaires. Et donc, le nouveau COMEX, comité exécutif de Guillaume Darrasse, simplifié, a balayé d’un revers de main toutes les organisations déjà en place dans chaque pays. de la disparition de certains métiers comme les postes de conseiller commercial vente équipement dans les hypers, soit 700 personnes. Du coup, l’électroménager et le multimédia vont être en libre-service. Dans cette organisation repensée, il convient aussi d’ajouter la suppression des responsables planification et pilotage de la masse salariale, de certains responsables commerces et responsables sécurité. À la surprise de l’annonce, nous sommes aussi sous le choc de la brutalité de toutes ces mesures. Comment en est-on arrivé là ? Au regard de la situation économique fortement dégradée de l’activité, il est donc apparu nécessaire
à la direction d’adopter des mesures immédiates pour relancer notre commerce traditionnel. Bien sûr, des mauvaises décisions stratégiques ont été prises en amont depuis des années ; nous avons sans doute trop tardé à réorganiser notre commerce, et à nous adapter aux évolutions de notre époque. C’est notamment le projet du grand hypermarché qui va devoir s’adapter à des formats plus réduits et passer de formats de
15 000 voire 18 000 m² à des surfaces de 8 000 m². Celui-ci semble être une réponse à plusieurs enjeux comme l’évolution des comportements de consommation, l’essor du commerce en ligne et la gestion des coûts. Enfin, le groupe Auchan a également mis
en place un nouveau schéma logistique pour la livraison à domicile qui prévoit la fin de l’activité des trois entrepôts dédiés à ce service piloté par notre filiale Auchan e-commerce France. Au total, 224 postes seraient concernés, et, cette activité sera désormais assurée par les drives. Tous les secteurs sont touchés. Mais qu’en est-il dans les magasins ? La restructuration portera sur 1 381 postes dans nos magasins parmi 48 487 en France. C’est un plan social sans précédent qui touche de plein fouet les salariés de l’entreprise. Elle s’accompagne aussi de la fermeture de trois hypermarchés, un supermarché et de six magasins d’ultra-proximité ;
Que donnent les négociations en cours ?
Nous sommes dans une phase d’information consultation qui a été déclenchée les 13, 14 et 15 novembre derniers, pour laquelle les élus de nos 5 instances ont décidé de recourir à une expertise unique pour vérifier le bien-fondé économique de la fermeture des magasins et des mesures qui accompagnent cette restructuration, entreprise par entreprise. Sans attendre, nous devons prendre en compte les conséquences sociales d’un tel plan, et notamment le traitement social des 2 389 suppressions d’emplois, mais aussi les conditions de travail qui vont en découler demain pour les 50 000 salariés restants. C’est à notre délégation de négociateurs d’être sur tous les fronts à la fois sur les salaires, les conditions de travail, les accords… Il nous faut aussi garder la tête froide pour les prochaines échéances. À ce jour, nous sommes en train
de convenir avec la direction d’un accord de méthode pour négocier ensemble sur les emplois supprimés les mesures d’accompagnement dans le cadre de ce plan de sauvegarde à l’emploi. Derrière, il y aura des volets dits de mobilité interne et externe, avec des reclassements et des possibilités de formation, de reconversion professionnelle… et possiblement de pré-retraite en fonction des populations concernées.
Bien évidemment, nous ne cautionnons pas le plan tel qu’il est proposé, mais il y a une urgence à réorganiser l’entreprise car on
ne veut pas être le prochain Casino et que Auchan continue d’exister.
Quel est le ressenti, aujourd’hui, des salariés ?
La vie d’une entreprise n’est pas un long fleuve tranquille. Il est vrai qu’aujourd’hui le secteur de la distribution, et en particulier Auchan, est dans une mauvaise passe. L’espoir est porté par un patron qui prend des décisions douloureuses, mais sûrement nécessaires pour la pérennité de notre entreprise et des 50 000 emplois en France. À nous d’être vigilants et de regarder, avec nos experts et les études qui vont être menées pendant 4 mois, les raisons et les enjeux des mesures difficiles qui sont engagées Mais, dans le même temps, on ne peut pas
s’exonérer de notre responsabilité de négociateurs. Il est en effet crucial de prendre en compte les attentes des salariés pour garantir que le processus se déroule au mieux. Nous devons donc trouver les meilleures solutions de mobilité que ce soit en interne ou en externe, mais aussi de reclassement, de reconversion professionnelle, de préretraites voire de sortie de l’entreprise dans les meilleures conditions possibles. C’est
effectivement une responsabilité collective, et un défi que nous sommes bien déterminés à relever !
Contact
Bruno Delaye
DS Retail Auchan
06 17 14 17 13
bdelaye@auchan.fr